Dans l’article précédent, je vous ai raconté l’évènement avec ma mère où j’ai fermé les portes à mon homosexualité. J’avais 12 ans. Mais au-delà de ça, il y a toute mon enfance, avec son contexte familial, social et scolaire. Et il y a surtout ma manière personnelle de vivre les choses, d’intérioriser et de comprendre les évènements. Puis, la suite de ma vie a contribué à renforcer ce refoulement.
Alors par où commencer ? … … … Les autres garçons à l’école ? Les héros des dessins animés, des films et des jeux vidéos ? Ma relation avec mon père ? Allez, je vais le faire dans cet ordre, on verra bien si c’est compréhensible ^^
« Bouh, la fille ! »
Ça, c’est un des gamins de ma classe en primaire : c’était sa moquerie fétiche à mon encontre (oui, on peut dire que c’était un fétichiste 😅). J’étais une « pédale » aussi parfois. Il était leader dans la cour et, avec d’autres garçons, ils se moquaient souvent de moi parce que j’étais nul en foot et me traitaient d’intello. Eux, ils étaient trop forts et se prenaient pour Oliv’ et Tom. Il faut dire qu’ils jouaient en club.
Du coup, j’ai construit des croyances à mon sujet, que j’étais faible, que j’étais nul en sport, que j’étais faible comme une fille, que pour être un vrai garçon faut être fort, que donc j’étais pas vraiment un garçon, et qu’il fallait surtout pas être une pédale… 🙄 À l’intérieur de moi, l’équation est devenue assez simple :
« Être PD = aveu de faiblesse et d’infériorité »
Bon, avec ce type de croyances, j’étais déjà mal barré pour assumer d’être gay 😄
Je précise que ces croyances particulières sont le résultat de ma manière particulière de comprendre la vie depuis ma lorgnette de petit garçon de 6 ans. Une autre personne dans les mêmes conditions se serait façonné d’autres croyances, soit très différentes, soit un peu similaires à quelques nuances près. Je précise aussi que je ne les invente pas, c’est ce que j’ai trouvé grâce à un travail sur moi s’appuyant sur les émotions (et pas sur l’analyse mentale). Et le fait d’avoir en grande partie effacé ces croyances fait qu’aujourd’hui, je peux parler de mon passé en me sentant en paix.
« Alors ça va, petite tapette ? »
Au collège, ce schéma s’est poursuivi et renforcé. Un autre joueur-de-foot-leader-charismatique s’est longtemps moqué de moi, ça avait l’air d’être son kiffe. J’ai entre autres hérité de l’étiquette « petite tapette ». Ma réaction, ça a été de me rejeter, d’avoir honte de moi, de détester comment j’étais… Par exemple de me détester pour mon incapacité à me défendre contre ce gars… Quand j’essayais de répondre à ses moqueries, le type me ridiculisait encore plus devant les autres élèves.
Je me détestais aussi de ne pas être bon en sport. Oui parce que le prof du collège nous faisait faire du foot, il gérait la section foot du collège où était ce gars. Je me sentais hyper mal sur le terrain avec lui. Et peu importe si j’étais dans son équipe ou dans celle d’en face : j’étais un mauvais coéquipier ou un adversaire nul.
En plus, comme j’étais tout le temps fourré avec mon pote d’enfance (c’est pas le même que celui que j’ai tripoté en 6e), d’autres se sont mis à nous traiter parfois de PD. La seule technique de protection que j’ai réussi à trouver, ça a été de faire comme si ça ne m’atteignait pas. Genre le gars imperturbable. Et ça collait avec ma croyance d’enfance que « être PD = aveu de faiblesse ». Là, avec cette attitude insensible, je pensais ne passer ni pour un PD ni pour un faible.
Je me suis donc mis à jouer un rôle pour faire comme si tout allait bien, en camouflant mes émotions tout en espérant secrètement qu’ils arrêteraient. Ce qui n’a pas été le cas. Mais je ne sais pas si les autres voyaient que ça m’atteignait quand même ou si je faisais illusion ?
Bref. Tout ça pour vous dire que je suis arrivé au lycée puis à l’âge adulte avec une armure d’insensibilité qui écrasait bien lourdement le mensonge fait à ma mère sur mon homosexualité.
La culture française des années 80-90…
Je suis né en 1984. J’ai grandi dans un monde de dessins animés, de films, de jeux vidéos et de livres où le héros est souvent un homme fort qui doit sauver le monde et finit par emballer la bonasse à la fin. Je caricature à peine. Culture patriarcale et sexiste de base…
Dès l’âge de 5 ans, j’ai commencé à m’identifier à ces héros et à croire que c’était ça qu’il fallait faire pour être heureux. Je me suis conditionné sur ce modèle hétérosexuel d’homme fort qui séduit la femme, alors que je n’étais même pas encore préoccupé par des questions d’amour ou d’attirance. Et puis, être un homme « fort », ça évitait d’être pris pour un PD.
Et les années qui ont suivi, beaucoup de garçons de ma classe « draguaient » les filles et j’ai suivi le mouvement par mimétisme, mais avec difficulté. Lol, tu m’étonnes. Avec le recul, je vois qu’il y avait un garçon de ma classe qui me plaisait, que j’admirais un peu, que je trouvais beau… mais il n’y avait pas la place pour ça et puis il a déménagé.
Au final, le modèle de vie et de réussite sur lequel je me suis construit, c’est une famille hétéro avec enfants, unie, heureuse et parfaite un peu comme dans une pub. Sauf qu’on vit dans la vraie vie et pas dans une pub.
… culture à peine différente des années 2010-2020 !
Bah ouais, en fait pour moi ça n’a pas changé ou à peine. Le message véhiculé dans les médias reste globalement le même : patriarcat et domination masculine. Avec encore des humiliations publiques envers les homos (je repense à Hanouna). Alors certes, on voit maintenant des personnages homo dans des films ou des séries, et ils n’ont pas forcément un rôle débile ou dégradant. Ok, ça bouge un tout petit peu…
Comme dirait Shirley Souagnon (à 5:08) :
On avance lentement, mais on avance !
Ma relation avec mon père
Je ne vous ai pas encore parlé de mon père ! Mes relations avec lui ont toujours été difficiles et douloureuses. Ça fait bientôt trois ans qu’on a coupé les ponts et c’est mieux comme ça pour chacun de nous. Chacun de nous avait des attentes auxquelles l’autre ne pouvait pas répondre. D’où incompréhension mutuelle, reproches, conflits… En fait, aucun de nous n’acceptait l’autre tel qu’il est et chacun renvoyait à l’autre quelque chose de violent. Bon ça, c’est pour l’âge adulte.
Mais en tant qu’enfant et adolescent, j’ai toujours eu cette sensation que quelque part, il me méprisait pour ce que j’étais : pas un vrai mec. En tout cas, pas sa définition du vrai mec. Et moi, je régissais en mode soumission et quête désespérée d’affection. Avec le recul, j’ai même l’impression qu’il se doutait de mon homosexualité tout en la rejetant. Ou en tout cas, qu’il craignait que je sois gay. En effet, je n’ai jamais été un enfant ni un ado « viril » ou dégoulinant de testostérone ^^ Par certains aspects, j’étais même un peu précieux.
Dans quelle mesure il m’a réellement méprisé, je m’en fiche, l’important c’est la manière dont j’ai vécu les choses. Je ne cherche pas à lui jeter la pierre, hein. Dans une relation, chacun est responsable de ce qu’il ressent, ce n’est pas l’autre le responsable, ni ses actes, quoi qu’il fasse. Quelqu’un d’autre à ma place se serait insurgé. Mon frère était d’ailleurs comme ça face à la dureté de mon père. Moi non, je me suis écrasé et rejeté davantage.
Mon père était artisan. Entre mes 15 ans et 17 ans, j’ai bossé trois étés dans son entreprise. J’étais pas très doué de mes dix doigts, ni très costaud. Il s’est beaucoup moqué de moi devant ses employés. L’ambiance était plutôt macho et misogyne… Je me suis de nombreuses fois senti humilié, rabaissé, et ça venait pile poil appuyer sur mes croyances d’école primaire : faible, pas un vrai garçon, un peu une fille en fait… La peur qu’on me prenne pour un PD rodait pas loin.
En plus, dans le langage de mon père, il y avait souvent des expressions du genre « C’est pas un truc de PD ! » pour parler d’un truc difficile à faire physiquement ou pour un plat très épicé 😂 Bref.
En guise de conclusion
Voilà donc un ensemble de choses qui ont fait que je me suis construit sur un mode « refoulement ». Ce ne sont pas les évènements en tant que tels, mais bien ma manière personnelle de les vivre et de les comprendre. C’est moi qui ai accepté de croire que le bonheur, c’était une vie de couple avec une femme. C’est moi qui ai intériorisé qu’être PD, c’était être une sorte d’homme inférieur aux autres hommes et qu’il ne fallait pas que je le sois, que je donne l’impression de l’être ou que les autres pensent que je le suis.
J’aurais eu plein de choses à dire s’il avait fallu que je complète les phrases « Un vrai homme doit… » ou « Un vrai homme ne doit pas… » En réalité, on ne devrait rien compléter, il n’y a rien à croire au sujet de ce qu’est un « vrai » homme. Tous ceux qui sont nés hommes et se sentent hommes sont des hommes, peu importe leur orientation sexuelle ou leurs caractéristiques physiques.
Pour finir ce long article, je dois vous dire que je n’ai pas été exhaustif sur ce qui m’a amené à si bien refouler mon homosexualité et à chercher si ardemment une vie hétéro « parfaite »… D’une part, j’ai volontairement laissé certaines choses de côté par souci de clarté et de concision. Je n’ai pas pour projet d’écrire un roman ^^ (encore que, pourquoi pas…). D’autre part, je pense que nos processus psychologiques sont complexes et qu’il serait vain de prétendre avoir tout compris de soi-même. Bien que j’aie pu en conscientiser une partie, il y en a forcément une autre qui m’échappe encore.
Dans le prochain article, je vous expliquerai comment tous ces conditionnements ont fait que je me suis voilé la face à la fin de mon adolescence et au début de ma vie d’adulte. J’ai réussi à refuser les signes de mon homosexualité, pourtant criants de vérité… 😅
Salut
J’ai 3 points communs avec toi : je n’aime pas le foot, je suis gay (mais j’ai longtemps refusé de l’admettre ) et j’étais très nul en sport et dans tous ce qui était manuel. Une vraie fille 😉
Bon après enfant, j’avais tendance à me projeter dans les personnages féminins (type garçon manqué) et certains garçons me disaient que j’étais une fille 😉
Donc enfant j’avais une personnalité plus féminine que masculine 😉
Au collège j’ai du devenir plus masculin que féminin pour me protéger mais j’avais parfois cette impression d’être une fille au fond de moi jusqu’à mes 15 ans.
Parfois j’avais envie de devenir une fille à cause de mon homosexualité et de tous ces crushs que j’avais sur les garçons.
Est ce que tu as connu ce phénomène ?
Ma psychothérapeute pense que c’est le fait que j’ai vécu dans un environnement très féminin enfant (père divorcé et souvent absent ) vivant avec ma mère et une soeur qui fait qu’une partie de ma personnalité contient une part de fémininité et je dois accepter cette féminité en moi et ne plus la refouler.
Merci pour tes articles, ça fait du bien à lire, je m’identifie pas mal à ce que tu écris, je suis en train de me séparer de ma femme, je réalise que je suis gay et que je l’ai refoulé, je me suis voilé la face moi aussi.
Salut Christophe,
Cool pour toi cette prise de conscience, ça va te changer la vie !
Et bon courage pour la séparation et tous les changements que ça va engendrer, je sais que c’est pas facile. Mais il vaut mieux ça que de se voiler la face.
Bises
Merci Jerem, je suis long à répondre, un, j’avais perdu ton site et je l’ai retrouvé en cherchant des infos sur le thème, et deux parce que j’étais encore en pleine acceptation, ce qui prend du temps. J’ai affirmé ce matin en thérapie de couple que je suis homo, la séparation est actée, c’est dur pour ma femme, j’ai encore des moments de doute, de confusion, ma thérapeute m’a prévenu que j’aurais encore des moments de confusion… J’appréhende pour la famille… J’ai aussi cette peur de faire une erreur, alors que pourtant mon attirance est là…
Bises
Salut Christophe,
Oui, ça peut prendre du temps, c’est normal. Et c’est normal aussi d’avoir des doutes, ça peut durer longtemps. Normal enfin d’avoir peur de faire une connerie, face aux conséquences et aux changements que ça va provoquer dans ta vie. Mais si l’attirance est là depuis tout ce temps (avril 2023 ton premier message !), alors il y a quand même de fortes chances pour que tu sois bel et bien gay. Mais il n’y a que toi qui puisses le sentir en toi et, un jour, en être sûr.
Je te souhaite en tout cas de trouver plus de paix grâce à cette séparation, même si c’est sans doute douloureux de voir ta femme pas bien. Mais c’est mieux aussi pour elle. La vérité est un cadeau pour tous les deux.
Quant à ta famille, j’espère qu’ils réagiront bien et seront heureux pour toi de ton coming-out. Et si ce n’est pas le cas, peut-être c’est qu’il leur faut un peu de temps pour encaisser la nouvelle. Et peut-être que certains d’entre eux n’y arriveront jamais… Mais c’est mieux pour toi de t’assumer de toute façon.
Courage à toi <3
Bises
Merci pour tes mots. L’attirance est là depuis plus longtemps, depuis la fin de l’adolescende, ma première fois, elle s’était atténuée pendant mon mariage durant lequel j’ai cru être hétéro (ça ferait un bon titre d’article ça), garder un bon souvenir de mes relations homosexuelles, et puis c’est revenu… L’homosexualité, ça ne passe pas, comme tu l’as écrit dans un autre article.
1. Le foot. Alors moi, y avait un type un peu badass en foot au CM2. Bah j’ai trouvé la solution. Il est allé, à courir, à essayer d’aller plus vite que le défenseur. Moi j’arrive de front, en marchant limite, et je mets mon pied devant la balle. Soit il saute et il me laisse la balle, soit il voltige et il me laisse la balle. Ensuite, il est venu presque en pleurant genre « à l’entraînement de foot, l’entraîneur interdit de faire ça ». Donc déjà, tous les footballeurs ont un super point faible, suffit que tu te mettes en défense, et tu l’attends. Beaucoup plus facile de défendre que d’attaquer.
2. Ton père a l’air super homophobe. Peut-être que tu t’es créé une personnalité un peu efféminé, justement pour prendre à contrepied ton père. Ainsi donc, ce côté de ta personnalité efféminé est en vérité une grande preuve de virilité. Puisque c’est la preuve incontestable que tu oses t’opposer. La vraie soumission aurait été que tu sois aussi beauf que ton père. A mes yeux, tu es un rebelle.
3. Homme et femme, ce n’est pas vraiment quelque chose de binaire. Chez les amérindiens, on a le droit d’être entre les deux. Etre androgyne de corps et d’esprit est un droit. Avoir des chromosomes XY ou un pénis ne rend pas nécessaire que tu sois un homme. Le genre est quelque chose de très complexe. Quand on t’agresse verbalement, tu ressens le besoin de te défendre verbalement. Et à force de vivre dans le monde psychique, où l’on t’a poussé de façon récurrente, tu finis par développer de la féminité. Ce sont eux qui l’ont créée en toi, cette féminité qu’ils te reprochent ensuite. Ce n’est pas parce qu’ils te la reprochent qu’ils n’en ont pas. Peut-être qu’eux aussi ont beaucoup de féminité. Et que leur attitude complètement beauf sert à dissimuler leur propre féminité. Toi, en n’étant pas un lâche qui se dissimule derrière un masque homophobe, tu fais preuve de plus de virilité qu’eux.